4.3.1 Réduction dans le cas général

Rappel

On rappelle qu'une base \(B=\left( e_{1},...,e_{n}\right)\) d'un \(K\)-espace vectoriel \(E\) est dite \(b\)-orthogonale où \(b\) est une forme bilinéaire sur \(E\) si et seulement si pour tout \(i,j\in \left[ 1,n\right], i\neq j,b(e_{i},e_{j})=0\), c-à-d. les vecteurs de \(B\) sont deux à deux \(b\)-orthogonaux.

On dit que \(B=(e_{i})\) est \(b\)-orthonormée si pour tout \((i,j)\in \left\{ 1,...,n\right\} ^{2}\),

\[\begin{equation*} b(e_{i},e_{j})=\delta _{ij}=\left\{ \begin{array}{c} 1\:\text{ si }i=j\text{ } \\ 0\:\text{ si }i\neq j% \end{array}% \right. , \end{equation*}\]

\(\delta_{ij}\) est le symbole de Kronecker.

Nous savons que tout espace euclidien \(E\) possède des bases orthonormées et que dans une telle base, \(b(x, y)\) prend la forme \(\ b(x,y)=\sum_{i=1}^{n}x_{i}y_{i}\text{ et }q(x)=\sum_{i=1}^{n}x_{i}^{2}\).

Nous allons généraliser ce résultat aux formes quadratiques.

FondamentalProposition 4.3

On notera que les assertions suivantes sont équivalentes

1. La base \(B=(e_{i})\) est \(q\)-orthogonale.

2. Dans la base \(B=(e_{i})\) la forme \(q\) s'écrit sous la forme \(q(x)=\sum_{i=1}^{n}\lambda _{i}x_{i}^{2}\).

3. Dans la base \(B=(e_{i})\) la matrice de \(q\) est diagonale.

De la même manière nous avons les équivalences suivantes

(i) La base \(B=(e_{i})\) est \(q\)-orthonormée.

(ii) Dans la base \(B=(e_{i})\) la forme \(q\) s'écrit sous la forme \(q(x)=\sum_{i=1}^{n}x_{i}^{2}\).

(iii) Dans la base \(B=(e_{i})\) la matrice de \(q\) est la matrice identité.

DéfinitionDéfinition 4.3

On appelle réduction d’une forme quadratique \(q\), la recherche d’une base orthogonale de \(E\), tel que sur cette base \(q\) s’écrit sous la forme

\(q(x)=\sum_{i=1}^{n}\lambda _{i}x_{i}^{2},\:\lambda _{i}\in \mathbb{R}\),

et les \((x_{i}) \)sont les coordonnées de \(x\) dans cette base. De plus la matrice de \(q\) dans cette base est diagonale.

FondamentalThéorème 4.1

Nous donnons deux formulations différentes du même résultat.

1. Tout espace pseudo-euclidien \((E, q)\) de dimension finie possède une base orthogonale.

2. Tout espace pseudo-euclidien \((E, q)\) de dimension finie possède une base dans laquelle la matrice de \(q\) est diagonale.

Autrement dit ils existent \(r\in \left\{ 1,...,n\right\}\), une base \((e_{1},...,e_{n})\) de \(E\) et des scalaires non nuls \(\lambda_{1},...,\lambda _{r}\) tels que

\[\begin{eqnarray*} M(q)=\left( \begin{array}{cccccc} \lambda _{1} & & \cdots & & & 0 \\ & \ddots & & & & \\ \vdots & & \lambda _{r} & & & \vdots \\ & & & 0 & & \\ & & & & \ddots & \\ 0 & & \cdots & & & 0% \end{array}% \right) \end{eqnarray*}\]

évidemment \(r\) est le rang de \(q\).

Preuve :

Nous procédons par récurrence sur \(n\), la dimension de \(E\). Pour \(n= 1\) le résultat est trivial.

Supposons le vrai pour les espaces de dimension \(n-1\). Soit \((E,q)\) un espace de dimension \(n\), si \(q=0\), le résultat est trivial, nous supposons donc qu'il existe \(a\in E\) tel que \(q(a)\neq 0\).

On pose \(\langle a\rangle ^{\bot }=\{x\in E,b(x,a)=0\}\). On l'appelle l'orthogonal de \(a\), c'est le sous-espace des éléments \(q\)-orthogonaux à \(a\). On notera que

\(\langle a\rangle ^{\bot }=\ker b(. ,a)\).

Et puisque la forme linéaire \(b(. ,a)\) n’est pas nulle, l’orthogonal de \(a\) est un hyperplan de \(E\). Puisque par ailleurs \(a\notin \langle a\rangle ^{\bot }\), nous avons \(E=\langle a\rangle \oplus \langle a\rangle ^{\bot }\).

D'après l'hypothèse de récurrence, l'orthogonal de \(a\) possède une base \(q\)-orthogonal \((e_{1},...,e_{n-1})\). La famille \((a,e_{1},...,e_{n-1})\) est alors une base \(q\)-orthogonal de \(E\).

Nous souhaiterons faire une remarque sur le cas réel. Nous disposons en effet dans ce cas d'un raccourci: le théorème spectral. Ce dernier affirme que toute matrice symétrique réelle d'ordre \(n\) est diagonalisable dans une base orthonormée de l'espace euclidien \(\mathbb{R}^{n}\) ainsi, si \(A\) désigne la matrice de \(q\) dans une base de \(E\), la symétrie de cette matrice implique l'existence d'une matrice orthogonale \(P\in M_{n}(\mathbb{R})\) telle que \(P^{-1}AP\) soit diagonale. Or le fait que \(P\) soit orthogonale implique que \(^{t}P=P^{-1} \)et dont \(^{t}PAP\) est diagonale, d'où le résultat.

Cette preuve algébrique établit un curieux lien entre les formes quadratiques et les endomorphismes. On peut dans la pratique profiter de ce lien pour réduire notre forme réelle \(q\). Concrètement, on appelle \(\left( e\right)\) la base de \(E\) dans laquelle la matrice de \(q\) est \(A\) et on diagonalise cette dernière. Cela consiste à chercher les valeurs propres \(\lambda _{1},...,\lambda _{n}\) de \(A\), et des vecteurs propres \(\mathbb{R}^{n}\) associées a chacune de ces valeurs. On prend soin de choisir ces vecteurs de manière à ce qu'ils forment une base orthonormée de \(\mathbb{R}^{n}\). Ce dernier point est fondamental, on obtient ainsi une matrice diagonale \(D\) tel que

\(D=P^{-1}AP\)

\(P\) est la matrice de la base \(\left( v_{1},...,v_{n}\right)\) dans la base canonique, ensuite on transpose cette écriture à \((E,q)\) en définissant la base \(\left( a_{1},...,a_{n}\right)\) de \(E\) par \(M_{\left( e\right) }(a_{1},...,a_{n})=P\).

Dans cette base \(q\) est réduite.

ComplémentRemarque 4.3

Le théorème spectral est un résultat propre au corps \(\mathbb{R}\).

Premièrement, dans un espace complexe \(E\) il n'y a pas de bases orthonormées : pour obtenir une notion analogue il faut remplacer la notion de produit scalaire par la notion de produit hermitien.

Deuxièmement, il existe des matrices symétriques complexes qui ne sont pas diagonalisables, c’est le cas par exemple de

\[\begin{equation*} \left( \begin{array}{cc} 1 & i \\ i & -1% \end{array}% \right) \end{equation*}\].